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Europe en bascule : où va l'argent des fonds d’investissement ?

Conséquence du changement de gouvernance aux Etats-Unis au début de l’année, l’Europe se trouve à nouveau soumise à diverses pressions exogènes qui aiguisent les tensions existantes : la reconfiguration inévitable des forces internes se dessinant aujourd’hui est-elle suffisamment anticipée dans les décisions stratégiques d’allocation des fonds d’investissement, immobiliers notamment ?

Un contexte géopolitique en mutation rapide : l’Europe sous pression 

L’Europe se trouve aujourd’hui malmenée par le contexte géopolitique international : le retrait partiel des États-Unis des affaires européennes et le brutal changement stratégique dans le conflit ukrainien la contraignent à redéfinir ses priorités sécuritaires et à revoir sa politique énergétique notamment, avec comme corollaire, la hausse des dépenses publiques.

La volonté politique d’une Europe plus intégrée, fédérale, souveraine, est toutefois confrontée à une hétérogénéité économique et sociale forte, et à une fragmentation croissante entre  les pays historiquement « moteurs » (France, Allemagne et Royaume-Uni) et les nations dites « périphériques ».

Décrochage des "marchés moteurs", de nouvelles frontières pour le capital européen ?

L’augmentation du déséquilibre dans l’attractivité des marchés européens est indéniable.

La France subit de plein fouet le poids de son administration rigide, d’une fiscalité élevée et peu lisible, d’une instabilité politique récurrente et d’une difficulté chronique à réformer. Le climat social anxiogène et le carcan réglementaire (par exemple sur les loyers et l'encadrement foncier) freinent les décisions d'investissement.

L’Allemagne semble au point mort, affaiblie par sa dépendance énergétique historique, une croissance en berne, une coalition frileuse et la lenteur de sa transition énergétique et industrielle, ce qui a fait entrer la première économie européenne dans une véritable zone de turbulence. Le pays affiche l'une des croissances les plus faibles de la zone euro.

Le Royaume-Uni subit toujours les impacts du Brexit et souffre de surcroît d’instabilité politique chronique. L'érosion de sa place financière mondiale se conjugue à une perte d'attractivité structurelle.

Or, face à ces économies en panne, les "marchés dynamiques" d'Europe du Sud et du Nord affichent un élan remarquable, montrant une croissance plus soutenue et une certaine stabilité politique.

L'Espagne mène depuis 5 ans une politique fiscale et immobilière favorable aux investisseurs, avec des incitations locales fortes, une simplification des démarches administratives et une croissance locative soutenue dans les grandes métropoles.

L'Italie, bien qu’historiquement instable, s’affermit au plan macroéconomique et voit affluer des capitaux sur ses marchés tertiaires et hôteliers.

Quant aux pays scandinaves, ils rassurent par leur environnement juridique et social pérennes, leur dynamisme pro-ESG, leur haut niveau de transparence dans les transactions immobilières et la forte maturité de leurs marchés.

En conséquence, les stratégies d’investissement ne s’articulent plus automatiquement autour des pays « moteurs » et se diversifient dorénavant vers les régions plus dynamiques, attractives ou stables. 

Ce que disent les flux de capitaux : le virage stratégique des grands gérants

S’il est difficile de quantifier cette tendance conjoncturelle, elle est néanmoins identifiable dans les allocations géographiques des fonds de Private Equity immobilier en cours de déploiement.

Ainsi, pour le 6ème millésime de sa série « European Property Funds », BlackRock privilégie l’Espagne (10 %) et les pays scandinaves (14 %) aux dépens de l’Allemagne (5 %) et de la France (1 %).

Répartition des allocations par pays du fonds BlackRock EPF VI. Source : BlackRock

De même, pour le 2ème opus de sa série « Europe Logistics Core-Plus », le leader mondial de l’investissement en logistique EQT intègre désormais Madrid, Barcelone, Milan, Varsovie et Vienne aux côtés de Paris, Francfort, Berlin et Londres dans ses cibles privilégiées.

Les principaux gestionnaires de fonds suivant, voire anticipant, les dynamiques macroéconomiques et politiques pour continuellement optimiser leur performance, le déplacement de leurs allocations constitue donc un signal fort sur l’état interne de l’Europe.

Vers une nouvelle vision de l’investissement immobilier européen ?

La principale conséquence de ce glissement intra-européen pour les investisseurs est qu’investir dans un fonds immobilier géographiquement non-diversifié ou non-diversifiable constitue un risque accru à moyen, voire à court terme. Cela signifie aussi ne plus être automatiquement investi en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni ; il convient désormais d’analyser ces fonds en profondeur pour déceler leur allocation géographique réelle, et être préparé à arbitrer entre familiarité géographique et performance potentielle. C’est l’un des avantages offerts par les fonds pan-européens agiles, et des solutions d’investissement comme Openstone Prime, permettant de s’adapter aux zones les plus porteuses de façon proactive.

En savoir plus sur la solution Openstone Prime

La carte de l’investissement est donc en train de se redessiner du fait des pressions externes et des tensions internes que l’Europe subit : la domination des pays moteurs historiques paraît aujourd’hui essoufflée et est remise en question par des marchés plus petits, mais plus dynamiques. Dans ce contexte, les fonds immobiliers qui seront les plus performants sont ceux sachant s’adapter rapidement pour capter les cycles locaux en délaissant les régions sclérosées : l’Europe du sud et les pays scandinaves pourraient donc être le nouvel eldorado des investisseurs avisés ces prochaines années.

 Le capital s'adapte toujours plus vite que les institutions. Ce que nous observons, c'est une réallocation silencieuse mais profonde vers une “nouvelle Europe de l'investissement”, plus opportuniste et moins centrée sur ses bastions historiques. Il ne s'agit pas seulement de déplacer le capital, mais de redéfinir les grilles de lecture. Les investisseurs avisés ne doivent plus regarder les mêmes pays, ni les mêmes actifs, ni les mêmes cycles.

 

Patrick Jenvrin, CIO d’Openstone